Collection Alain Schott

Itinéraire d'un collectionneur 


En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, un point d’évidence s’impose à lui : les années qu’Alain Schott a passé dans l’univers de la presse comptent parmi ses plus belles expériences au plan humain et professionnel.

D’abord, une dizaine d’années au sein des services médias d’agence et de régies publicitaires. Un beau jour, au fond d’un couloir d’archives, se trouvaient entassés un fatras de N°1, laissés là au cours des dix dernières années par des commerciaux venus glaner quelques pages de publicité à destination de ces publications naissantes. In extremis, Alain met la main sur ces trois précieux cartons avant qu’ils ne soient jetés. C’est le point de départ de sa collection.

1993, le grand saut professionnel : il se lance avec trois associés dans la création du quotidien InfoMatin, dont la formule rédactionnelle préfigure celle de 20 Minutes. La nécessité d’alors de s’impliquer totalement dans chacun des métiers de la presse a transformé sa démarche initiale d’entrepreneur en une véritable aventure intellectuelle, graphique, financière, industrielle, politique (non au sens partisan, mais au sens social du terme). Il en garde un souvenir ému et, sans prétention particulière, une solide connaissance des rouages de la presse écrite.

InfoMatin est vendu. Il quitte ce joli mais fragile navire, la passion de la presse, elle, demeure intacte. La collection de premiers numéros continue de s’enrichir d’exemplaires dénichés en brocante.

Peu à peu, le syndrome du film « Le dîner de con » s’installe. La recherche devient plus intense et systématique. L’addiction névrotique du collectionneur prospère, et heureusement, sa collection également.

Aujourd’hui, Alain trie, compulse, classe, indexe, lit, relit les 2.000 exemplaires qu’il a collecté en 30 ans, publications qui ont vu le jour de 1750 environ, à nos jours.


Mais, au fait, pourquoi collectionner des numéros 1 ?


Il est toujours fascinant d’assister à la création d’un nouveau journal, synonyme de recherche effrénée d’innovations rédactionnelles, de nouvelles mises en page, de spécificité de format, de papier et plus globalement de solutions créatives inédites, et surtout… synonyme d’une volonté farouche de changer le regard sur les choses ; certes une nouvelle publication porte-t-elle également en son sein une perspective économique et commerciale, mais c’est avant tout la proposition d’une nouvelle vision du monde qui préside à sa naissance.

Un N°1 n’est donc pas un numéro comme les autres : il contient et porte tous les espoirs de ses créateurs qui mettent dans sa conception le meilleur d’eux mêmes.

Le premier numéro d’un journal constitue le point de départ exaltant d’une aventure dont personne ne sait si elle se révèlera brillante et durable, ou tristement éphémère.


La presse, imparfaite mais totalement irremplaçable


Par le nombre infini des sujets qu’elle traite et la diversité des positions qu’elle véhicule, la presse est depuis quatre siècles l’acteur imparfait mais essentiel de la libre circulation des idées, de la connaissance des événements, en un mot, d’un pan fondamental de la liberté humaine.

La presse témoigne et retrace au jour le jour notre Histoire. Elle est l’Histoire.

300.000 titres ont vu le jour en France depuis le premier numéro de la « Gazette » de Théophraste Renaudot paru en mai 1631, considéré comme le premier journal français.

Tenter de détenir l’exhaustivité des publications parues n’a pas de sens, même pour la BnF. Encore moins, bien évidemment, pour un collectionneur privé. La démarche d’Alain Schott consiste a réunir des titres qui ont marqué leur temps, dont la diversité – à la fois au plan calendaire et au plan thématique – permet de reconstituer un panorama pointilliste représentatif des moments et des courants forts de notre Histoire.


La Presse : un patrimoine en voie de disparition.


Contrairement au livre, conçu pour être soigneusement conservé dans une bibliothèque, le journal a toujours été voué à la destruction : après avoir été lu, il enveloppera des légumes, allumera le feu, garnira le fond d’une poubelle… d’où la rareté des documents authentiques de presse.

Il est plus rare de trouver à la vente « J’accuse » tiré à 300.000 exemplaires en 1898 (dont il subsiste au maximum 150 originaux, voire moins de 100), qu’une encyclopédie Diderot & d’Alembert imprimée à 4.250 exemplaires, 150 ans plus tôt.

Un journal ancien qui parvient jusqu’à nous est un rescapé. Trouver un premier numéro constitue un vrai petit miracle.


L'émouvante complicité du lecteur


Presse : attention, apparences trompeuses ! A première vue, sans y réfléchir, la lecture d’un journal ressemble fort à une rencontre inepte : entre un lecteur qui n’aurait mot à dire et un orateur de papier, sourd à toute remarque.

La réalité est tout simplement contraire. Un journal, c’est d’abord une affaire de connivence. Au delà des mots, tout est subtilement entendu : le ton, les illustrations, l’ordonnancement de l’actualité, le choix des interviews, les italiques, les points de suspension, et même ce qui n’est pas écrit, juste habilement sous-entendu en toute complicité avec le lecteur.

C’est cette connivence qui fait de la lecture d’un journal un moment rare, un moment privilégié durant lequel lecteur se trouve en pleine liberté dans le jardin secret de ses intimes convictions. Un moment d’émotion unique.

Voici donc plus d’un quart de siècle qu’Alain Schott collectionne avec ferveur les premiers numéros de presse de langue française.

Ses journaux sont les témoins imparfaits mais irremplaçables de notre histoire. A eux tous, ils sont l’histoire de l’Histoire.